Space-time experiment with Naomi Maury and Damien Fragnon

20.09.22
By Sibylle Grandchamp

Exosquelettes prêts à accueillir des formes du vivant, orthèses en protubérances végétales, minéraux aux allures d’organes humains… Âmes sensibles qui questionnent les interdépendances entre humain, végétal, animal et minéral, allez donc voir Brise Breath Breeze, une installation de Naomi Maury et Damien Fragnon exposée depuis le début de l'été chez Mécènes du Sud Montpellier-Sète-Béziers. Dans ce court entretien pour Plein Sud, le duo d'artistes basé à Sète nous décrypte les dessous de cette expérience spatio-temporelle.

Damien Fragnon et Naomi Maury, Brise, breath, breeze, 2022. Tubes de LED, arduino, gelâtes.

Plein Sud : Dans quel contexte s'est organisée cette exposition chez Mécènes du Sud ? 

Naomi Maury et Damien Fragnon : L’exposition a été pensée à travers le programme d’initiation aux pratiques curatoriales organisé tous les ans par Mécènes du Sud Montpellier-Sète-Béziers, en partenariat avec le Centre Culturel de l'Université Paul-Valéry et l’ESBA MO.CO. Après avoir recueilli les envies des participant·e·s de ce workshop, notamment celle de travailler sur les questions de la production in situ, en lien étroit avec des artistes, Géraldine Gourbe nous a invité à rejoindre le projet.

PS : Organismes autonomes mousseux, visqueux, poilus, matière humide, corps englués... Cette installation est-elle une allégorie de la transformation du vivant ?

DF : L’exposition Brise Breath Breeze est une expérience spatio-temporelle, où le temps est ralenti. L’éclairage s’intensifie au rythme d’un pouls cardiaque. Ici, tout est vivant, le mot Nature devient un verbe comme dans le livre Le Toucher du monde. Techniques du naturer, des auteur.ices David gé Bartoli et Sophie Gosselin. Il forme un « tout un ensemble ».

NM : La place de l’humain et du non-humain est omniprésente par son absence. Il y a des exosquelettes prêts à accueillir des formes du vivant, des orthèses en protubérances végétales et des minéraux aux allures d’organes humains. Des traces de vie disparues et à venir co-existent pour protéger et soutenir des formes du vivant. Nous avons voulu créer un espace où les interconnexions vitales sont en jeux et questionnent nos interdépendances entre l’humain, le végétal, l’animal et le minéral. 

DF/NM : Rien ne se transforme ni ne vit dans le sens premier du terme mais tout vit à travers les matières, les lumières et le chant des oiseaux enregistré qui déplace hors de l’espace d’exposition.

PS : « Ça se déplie, vertèbre par vertèbre, jusqu’à entendre son craquement, visqueux. »  / « Une houle métallique emporte les corps englués. » Ce sont la première phrase et la dernière phrase d’un texte-poème écrit par les participant·e·s au workshop curatorial au sujet de votre exposition. Quelle sorte de monstre ou de machine organique avez-vous engendré ? 

DF/NM : L’exposition a été pensée à 20 personnes. Les étudiantes avaient déjà pensé et expérimenté l’espace quand nous sommes arrrivé.es, nous nous sommes saisis de leurs sentiments et de leurs expériences. Il y a eu aussi des moments de recherches et de réflexion avec Géraldine Gourbe dans nos ateliers. Dans cette poésie que vous citez, il est question d’exosquelette formant des vertèbres suspendues au plafond, faisant écho à la respiration et au déploiement de la cage thoracique, observé par le visiteur. L’exposition se poursuit avec des céramiques terro-aquatiques engluées sur des sculptures métalliques à la fois exosquelettes et vestiges industriels, en forme de racines agrippées à la roche au bord des falaises.

PS : Si elle relève de recherches alchimiques, cette installation semble décrire un système autonome. De quoi est-il inspiré et comment fonctionne-t-il ? 

DF : L’installation fonctionne comme une balade spirituelle dans un désert toxique où les racines sont métalliques, les lumières changent de couleurs entre le jaune et l’orange pour terminer sur du violet. Les céramiques nous accueillent dans une mutation entre roches/plantes avec des émaux brulants comme une roche volcanique aux couleurs « industrio-cosmétiques » et minéralogiques. Cette alchimie crypto-minéralogique est un voyage dans un monde de rhizome.

NM : Comme une narration de science-fiction où les protagonistes sont furtifs, et où les relations d’entraides se tissent malgré tout. 

PS : En parlant de votre travail, la commissaire de l’exposition, Géraldine Gourbe, évoque un langage qui « se hume, se respire, s’avale pour s’expérimenter ensemble ». Comment avez-vous imaginé la scénographie de l’exposition ?

DF/NM : Si, on part de l’espace d’exposition en soi, nous avons voulu investir les espaces aveugles ou peu utilisés dans les expositions précédentes. Le visiteur est invité à sortir de ses habitudes sur le lieu, les salles ont changé de fonction, le haut n’est plus une salle de projection, et les espaces délaissés sont réemployés. Pour les propositions formelles, nous avons voulu donner la parole à un souffle animal en disparition, celui du chant des oiseaux ruraux qui vient côtoyer un monde organico-industriel pour tendre à une non-discrimination du vivant. L’atmosphère colorée vient ralentir notre déambulation pour proposer un espace-temps sous optimal. 

PS : De quoi est constituée et d’où provient la sensualité qui se dégage de l’œuvre ?

DF/NM : La sensualité se retrouve dans les courbes du métal dur et froid, et du façonnage de la terre. Les céramiques à l’étage sont baignées dans une lumière violette horticole. Leurs formes aux allures de roche et de plantes avec des tiges s’érigeant leur confèrent une apparence humaine en mutation. Elles sont recouvertes d’émaux brillants d’aspect humide, le rappel de poil sur les roches nous questionne sur leur identité. Elles sont installées confortablement sur des socles en coussin. La moquette violette au sol est une invitation à s’assoir et à observer, cette fois-ci à hauteur des céramiques. 

Brise Breath Breeze, à Mécènes du Sud Montpellier-Sète-Béziers, jusqu’au 24 septembre 2022.

13, rue des balances, 34000 Montpellier, du mercredi au vendredi, de 10h à 12h et de 14h à 18h, et le samedi de 14h à 18h. Tél. 04 34 40 78 00.