En s’appuyant sur la Divine Comédie de Dante, l’artiste franco-algérien Kader Attia développe un parcours qui débute à l’étage supérieur du MO.CO avant de s’enfoncer dans les niveaux inférieurs. Du Purgatoire (1er étage) au Paradis (sous-sol), un état des lieux du monde est proposé à travers des œuvres majeures, criantes d’actualité, et d’autres plus récentes, spécialement conçues pour l’exposition.
Qu’il s’agisse d’installations, de vidéos, de sculptures ou encore de collages, les créations de l’artiste résonnent comme l’écho des maux d’une société, que nul ne peut ignorer. Composée de vêtements et de chaussures jonchés au sol, dont les nuances de couleurs bleues rappellent irrémédiablement celles de la mer, l’installation Mer Morte suggère par exemple le tragique destin de celles et ceux qui traversent les flots en quête d’une vie meilleure. Comme souvent, Kader Attia entremêle les ressorts d’une symbolique visuelle puissante à ceux du langage puisqu’ici, le titre même de l’œuvre est évocateur.
Loin de lui l’idée d’envisager l’art comme mode d’expression dépourvu de fonctions morales ou utiles, et sans jamais se placer en maître toutefois, l’artiste cherche à immerger les visiteurs à travers des œuvres qui interrogent les rouages du monde contemporain. Kader Attia convoque en effet l’ouïe en plus du regard dans nombre de ses œuvres. C’est le cas de cette installation composée d’une vingtaine de bâtons de pluie activés grâce à un système de moteurs rotatifs qui se tournent et se retournent inlassablement. Fasciné par les objets qui produisent un dialogue entre la nature et la culture, l’artiste propose avec cette œuvre une véritable chorégraphie. Aussi bien inspiré par la pluie que par le vent, c’est finalement à l’idée même d’éternel recommencement que Kader Attia fait référence.
Il importe également, toujours dans cette volonté de réparer les traumatismes sociétaux, de rejouer certains moments historiques, en les faisant subtilement apparaître comme le montrent les sculptures issues de la série Mirrors and Masks. En recouvrant des copies en bois de masques africains de fragments de miroir brisé, l’artiste invite les regardeurs à questionner ce que reflètent ces objets. Ces œuvres mettent en lumière l’accaparement d’un héritage, celui de la culture africaine pré-moderne, par l’Occident et notamment par des artistes comme Picasso. Les sculptures permettent autant de braquer les projecteurs sur un phénomène violent que d’agir comme des baumes pour panser les blessures symboliques occasionnées par l’effacement de cette culture.
Tout au long de l’exposition, les questionnements affluent, les pensées pleuvent et ainsi l’œuvre saisissante de Kader Attia irrigue les réflexions des visiteurs en incitant ces derniers à adopter un point de vue critique sur les événements qui composent l’Histoire. De la blessure à la réparation, il y a mille et un pas que l’artiste suggère d’emprunter…