Miró-Matisse : un dialogue avec pour toile de fond l’admiration

26.07.24
Par Emma Pampagnin-Migayrou

Pourquoi rapprocher deux artistes majeurs du XXème siècle que tout semble opposer ? C’est à cette question que le Musée Matisse de Nice tente de répondre en proposant l’exposition « Miró-Matisse. Au-delà des images ». Dans un fécond dialogue, les points communs de ces deux maîtres se révèlent alors aux visiteurs.

Si presque trois décennies les séparent, Henri Matisse (1869-1954) et Joan Miró (1869-1954) ont eu l’un sur l’autre une profonde influence, doublée d’une grande admiration à différentes étapes de leur carrière. Matisse considère en effet Miró parmi les artistes auquel il voue le plus d’émerveillement. L’exposition révèle que lors d’une des crises dans sa vie, il se serait appuyé, nourri et inspiré de l’œuvre du peintre catalan pour dépasser ses doutes. Miró trouvait quant à lui en Matisse la juste influence du fauvisme à laquelle il a souhaité rendre hommage tout au long de sa vie.  

 À travers plus d’une centaine d’œuvres, l’exposition pointe aussi leur continuel engagement dans la remise en cause de la tradition picturale en Occident. Chez Matisse, cela est tout particulièrement visible dans ses compositions aux couleurs éclatantes dans lesquelles les figures humaines, les motifs décoratifs et les objets sont traités sur le même pied d’égalité. Chez Miró, le développement d’un langage pictural simplifié qui tend vers l’abstraction avec la présence d’idéogrammes notamment, contraste alors avec les productions de la peinture académique.

Grâce à un parcours d’abord chronologique, le Musée Matisse de Nice met en lumière leur volonté de s’émanciper de la figuration et leur quête de liberté. En témoigne la toile Vue de Notre-Dame en 1914 de Miró qui offre une vision profondément abstraite de cet édifice.

Bien qu’étant affiliés à deux mouvements artistiques aux ambitions diverses, le fauvisme pour Matisse qui prônait l’utilisation de la couleur au profit d’autres éléments et le surréalisme pour Miró basé sur l’onirisme, le hasard et l’inconscient, ils développent tous deux des amitiés communes. Des artistes, des critiques ou encore des marchands d’art comme Louis Aragon, André Breton, Aimé Maeght ou Pierre Matisse ont ainsi permis non seulement de poursuivre les réflexions engagées sur leurs travaux que de rapprocher les peintres. C’est d’ailleurs grâce au fils d’Henri Matisse, Pierre, avec lequel il entretiendra une longue correspondance professionnelle et amicale, que Miró aura bénéficié d’une importante renommée aux États-Unis dans les années 1930.

Au fil de l’exposition, les visiteurs découvrent également la diversité et la similarité des formats d’expression employés par ces artistes prolifiques. Des revues illustrées éditées par Tériade aux peintures monumentales comme la chapelle du Rosaire à Vence pour Matisse et la salle à manger du Terrace Plaza Hotel à Cincinnatti pour Miró, chacun explore la variété des supports qui s’offrent à eux avec une créativité contagieuse.

Plus que de pointer les disparités et similitudes entre ces deux pilliers de l’art moderne, il s’agit avant tout de montrer comment un artiste peut se nourrir d’un autre et vice-versa. Au-delà des images qui sont apposées sur Matisse et sur Miró, l’importance de s’entourer de guides, de références et de développer les échanges pour peaufiner son langage et déployer une œuvre singulière et puissante est ici soulignée.