Bien à vous : Davide Bertocchi nous parle du collectif MORE Projects

19.09.23
Par Sibylle Granchamp

Collaboration et partage sont au cœur de la démarche du collectif MORE Projects, qui présentait leur nouveau projet Bien à vous, sur le salon Art-o-rama. Intégré au groupe depuis cinq ans, l’artiste Davide Bertocchi nous parle de la nécessité de prendre plaisir à imaginer à plusieurs et de donner de la visibilité aux artistes.

Plein Sud : Quel âge a MORE Projects et quel est son principe

Davide Bertocchi : Bientôt sept ans je crois. MORE Projects est un collectif, une plateforme, réunissant des artistes et commissaires qui mettent en commun leur énergie, leurs moyens et leurs réseaux pour faire des choses ensemble. Il est composé de 6 membres: Camila Farina, Margaux Bonopera, Anna Piroska Tóth, Elisabeth Vollman, Sergio Verastegui et moi même. 

PS : Pourquoi ce projet collectif était-il nécessaire aux côtés de ton propre travail artistique ?

DB : La nécessité vient d’une envie de partager des énergies, de collaborer, et de regarder plus loin. C’est à chaque fois un vrai travail d’équipe. Nous partageons toutes et tous un intérêt commun pour les formes conceptuelles, les documents et les archives. J’ai rejoint MORE Projects en 2018 pour un projet spécifique, ToomanyrecordSs, conçu par moi et Sergio [Verastegui] - qui se poursuit toujours d’ailleurs. Il s’agit de disques en vinyle customisés par des artistes.

PS : L’humour et le divertissement semblent être au cœur de la démarche. Chaque année More Projects invente de nouvelles idées, avec en filigrane, semble-t-il, l’intention de divertir.

DB : MORE Projects édite des objets variés, uniques et multiples et place la collaboration au cœur du processus, dans un mouvement expansif. Nous essayons de sortir des formes habituelles et surtout de donner visibilités aux artistes avec lesquels on collabore. Le challenge est de faire tout ça avec une économie des moyens assez limité et aussi prendre du plaisir à le faire.

PS : Cette année, votre stand s’apparentait à un local de tri postal, avec des numéros et des références rangées dans un classeur. Que se cachaient dans ces mystérieuses enveloppes et cartons scellés et comment le public a t-il réagi ? 

DB : Pour ce projet intitulé Bien à Vous, nous avons demandé à une centaine d’artistes de nous donner une œuvre (unique ou multiple) qui pouvait être contenue dans une enveloppe (le format n’était pas spécifié mais il fallait garder en tête la possibilité de pouvoir envoyer les enveloppes par la poste). Les enveloppes étaient toutes anonymes, mais le contenu était visible à travers une image ou une photo de l’œuvre rangée dans des classeurs. Donc qui regardait les classeurs pouvait choisir l’œuvre mais pas le nom de l’artiste. Chaque œuvre était en vente au même prix : 150 euros. Ce prix étant volontairement bas parce que nous voulons nous adresser à tous les publics et pas seulement aux collectionneurs. Avec 150 euros, tout le monde pouvait acheter une œuvre. Le nom de l’artiste était révélé après l’achat.


« Nous essayons de sortir des formes habituelles et surtout de donner visibilités aux artistes avec lesquels on collabore. Le challenge est de faire tout ça avec une économie des moyens limitée et le désir de prendre plaisir à faire. »


PS : Artistes confirmés et moins confirmés… tout le monde est facilement enclin à jouer le jeu ? 

DB : Les artistes ont tous joué le jeu en nous confiant des œuvres incroyables en considérant le prix si modeste. L’idée était aussi de permettre à des jeunes artistes d’exposer dans une foire et de vendre leurs œuvres pour la première fois. De Elsa Werth à Julie Beaufils, Elodie Seguin, Marie Bovo, Adélaïde Feriot, Nicolas Lamas, Mathieu Mercier, Ingrid Luche, Louidgi Beltrame, Claude Closky, Anita Molinero, Franck Scurti, Benoît Piéron, Olivier Millagou, Jean Claracq, Flora Moscovici, Vittorio Santoro, Gérald Petit, Josep Maynou, pour en citer quelques uns de plus confirmés, en passant par des artistes très jeunes comme Audrey Prédhumeau, Andréa Spartà, Rodrigue de Ferluc, Chalisée Naamani, David Horvath, Nathan Carême, Grégoire d’Ablon, Sol Cattino, etc.

PS : Comme toujours, le public peut s’approprier l’œuvre signée d’un artiste à un prix toujours très accessible parmi une multitude de propositions. La désacralisation de l’art est-elle l’un des objectifs ? 

DB : Plutôt la désacralisation du marché de l’art. Le public a réagi de façon extraordinaire et a beaucoup apprécié la générosité du projet. La liste des artistes est impressionnante et très hétéroclite.

PS : Tu es un familier d’Art-O-Rama. Combien d’année sur le salon ? Parmi tes autres projets qui ont suscité la surprise, lesquels t’ont le plus marqué ? 

DB : J’aime beaucoup Art-O-Rama et Marseille. J’ai eu l’opportunité, bizarrement, d’y participer presque à chaque édition avec des galeries différentes. Vu mon « assiduité », Jérôme Pantalacci, le directeur, m’avait proposé de faire partie du premier comité artistique de la foire, de 2012 à 2017. C’était une expérience extraordinaire car, aussi grace au comité, le salon est devenu de plus en plus international et captivant.

Parmi mes projets à Art-o-rama, l’un de plus spéciaux fut celui de 2020, quand la foire n’a pas pu ouvrir à cause de la pandémie : nous avons alors réalisé un projet immatériel inspiré de mes projets de playlists « Top100 », où j’invite à chaque volume 100 personnalités du monde de l’art international à sélectionner leur morceau de musique préféré. Avec l’aide de toute l’équipe de la foire, on a donc réalisé Art-O-Rama Juke Box en contactant toutes les galeries, les collectionneurs, les commissaires et artistes qui ont exposée à la foire depuis ses débuts en 2007. Cette "oeuvre playlist" nous a permis de célébrer Art-O-Rama sans Art-O-Rama. Elle est toujours écoutable sur Spotify

PS : Tes prochains projets en tant qu’artiste ?

DB : Je prépare des œuvres sculpturales en marbre pour Artissima, la foire de Turin, où je participe début novembre, avec un project space de Londres, Cable Depot. C’est vraiment grâce à Art-O-Rama car j’ai rencontré Cable Depot l’année dernière où ils exposaient des œuvres de l’artiste britannique basé à Marseille, Charlie Warde. On exposera ensemble à Turin.