Plein Sud : Quelle était la finalité de ce workshop réalisé au Cirva ?
Noé Duchaufour-Lawrance : Je voulais que l’on s’interroge sur le recyclage, en réutilisant la bouteille emblématique de la cté Phocéenne. Le verre industriel est très dur à travailler, car il se rigidifie très rapidement. Il y a une sorte d’incohérence à le travailler de manière artisanale, mais c’est aussi cette épreuve que les académiciens ont du surmonter, et la diversité et la qualité des résultats témoigne du fait qu’ils ont réussi à le faire.
PS : Chaque matériau ouvre un nouveau territoire d’exploration, est-ce l’un des enjeux du métier de désigner?
ND : Tout matériau utilisé doit l’être en connaissance de son contexte d’exploitation et de transformation. Chacun a sa part de complexité et nous interroge sur notre capacité et la nécessité de le faire. Le verre, comme le bronze, le fer ou la pierre, nous relie aux origines de nos civilisations et à des millénaires d’histoire. D’autant plus qu’il est étroitement lié au feu. Au vu de tout ce qui a été dit et fait, parfois on a envie de refermer le livre...
PS : Que t’a appris le verre durant cette académie ?
ND : Le verre nous rappelle a une certaine humilité. C’est un matériau tout en souplesse quand il est en fusion et en tension quand il est froid. Cette opposition de manipulation à chaud ou à froid est un véritable terrain de recherche et les artisans avec qui j’ai eu la chance de collaborer, que ce soit pour les cristalleries de St louis ou sur l’ile de Murano, savent jouer de ces oppositions avec dextérité. L’énergie déployée pour travailler ce verre a été considérable. On a pu aussi entrevoir les incohérence d’un système industriel, des contenants jetés massivement au sein même de l’unité de production, pour des raisons d’hygiène ou de malfaçon, pour être refondus sous la même forme, au lieu d’être ré-employés.
PS : Comment s’est passée cette première rencontre avec le Cirva ?
ND : Le Cirva est une incroyable plateforme culturelle et un véritable trésor d’archives. C’est un atelier merveilleux de par sa technicité mais surtout par les savoir faire des artisans verriers qui y travaillent. Ils savent se confronter à toutes sortes de questions et trouvent toujours une manière agile d’y répondre.
PS : Quels sont tes prochains projets ?
ND : La présentation de collections en série limitées réalisées pour des clients privés lors de ces cinq dernières années, dans mes nouveaux locaux Parisiens lors de la design week en septembre. Une exposition des deux premières collections de mon project "Made In Situ", fondé au Portugal, dans la Galerie Demish Danant à New York à partir du 7 septembre.
La collection Azulejos actuellement présentée dans mon espace à Lisbonne cèdera la place à un projet sur le bronze, fin 2022.
Nous travaillons aussi sur un piano en série limitée pour une célèbre manufacture, ainsi que sur de nouvelles pieces pour St Louis, ou Bernhardt design.
• Sur le salon : table ronde autour de l’Académie des savoir-faire menée par Noé Duchaufour-Lawrance, en présence des académicien·ne·s Frédéric Armandon, Marion Flament, Alice Lebourg et Nicolas Verschaeve.
• Exposition : Le Verre, la Fondation d’entreprise Hermès au Cirva – Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques, du 25 au 27 août 2022. +33 (0)4 91 56 11 50. Ouverture exceptionnelle en entrée libre de 10 h 30 à 18 h.