Costume ou Couture ? Entretien avec Marie-Charlotte Calafat et Aurélie Samuel

24.07.23
Par Cristina Sanchez-Kozyreva

Ravivant les liens entre les costumes populaires du XXe siècle et les créateurs de haute couture, Fashion Folklore met en regard 140 pièces de la collection du Mucem avec 160 prêts de maisons de mode et de musées. Fruit de trois ans de travail réalisé par les deux co-commissaires de l’exposition, Marie-Charlotte Calafat et Aurélie Samuel, elles en partagent les moments forts.

Franck Sorbier. Robe Larantuka, collection haute couture « Rien que du bonheur » 2008. Raphia, chanvre, macramé. Mucem, Marseille, Inv. 2022.9.1. Photo © Mucem / Marianne Kuhn
Franck Sorbier. Robe Larantuka, collection haute couture « Rien que du bonheur » 2008. Raphia, chanvre, macramé. Mucem, Marseille, Inv. 2022.9.1. Photo © Mucem / Marianne Kuhn

Plein Sud : Qu’est-ce qui a déclenché cette exposition et votre collaboration ?

Marie-Charlotte Calafat : Cela fait plus de trois ans que l'on y travaille. Précédemment on avait réalisé une exposition qui s'appelait Folklore au Mucem en coproduction avec le centre Pompidou Metz, qui visait plus largement à penser l'ensemble de l’art populaire est folklorique. Il y avait une petite partie consacrée au textile, ce qui avait été l'occasion d'échanger avec Aurélie qui à ce moment-là était à Yves Saint-Laurent. On s'était dit: il y a sujet à faire une exposition dans son ensemble, avec le désir de montrer pour la première fois une grande proportion de la collection des textiles du musée. Les dernières expositions textile remontent aux années 80 / 90 au musée des arts et traditions populaires et au musée de l’homme. Il était temps de proposer quelque chose autour de la collection du Mucem.

Aurélie Samuel : Pour ma part, j’avais aussi travaillé sur le sujet de cette inspiration du costume traditionnel dans la haute couture, mais sur le domaine asiatique puisque je suis plutôt une spécialiste des arts de l’Asie. Ce dialogue m’intéressait particulièrement et l’idée de travailler sur ce sujet avec les collections du Mucem me semblait totalement innovante et intéressante.

PS : Pourquoi faut-il venir voir cette exposition?

MCC : Déjà parce que la collection textile ne sort pas très souvent. Elle est très fragile et nous sommes tenus de limiter les temps d’exposition. Donc il s'agit véritablement d’une proposition généreuse avec 300 pièces et 34 maisons qui prêtent des pièces exceptionnelles de l'histoire de la haute couture et de la mode. Ce dialogue est tout de même assez inédit.

AS : C'est une exposition qui montre toute une histoire de la mode mais avec un autre angle de vue et une autre lecture, ce n'est pas une approche historique classique ou technique, mais au travers de différents thèmes on peut appréhender la mode d'une autre manière.

PS : Quelle partie de l'exposition continue de vous surprendre ?

MCC : Ce qui me surprend c'est l'ensemble, car l'exposition permet de mettre en vie les costumes. Parce qu’au fond, c'est plein de pièces isolées mais qui d’un coup prennent forme sur les mannequins. C'est déjà assez puissant, car il y avait tout au long du montage la crainte de comment ce costume populaire allait dialoguer avec la haute couture, est-ce que la déhiérarchisation allait pouvoir vraiment opérer? Le plaisir c'est de voir qu’effectivement cela fonctionne, c'est beau, et c'est vraiment la réussite de cette exposition.

AS : Le point qui m'étonne le plus, et pour lequel j’avais le plus de craintes finalement, c’est cette partie sur les blouses roumaines. C’est une installation qui dégage une force que je n’aurais pas imaginée, et qui habite l’espace d’une manière particulière. Là on résume aussi notre discours, car il y a l’idée du voyage ne serait-ce que dans la présentation des blouses et du dialogue avec la haute couture. C’est vraiment un endroit qui m’étonne à chaque fois que je le vois.

PS : Trois adjectifs pour décrire cette expo :

MCC : Belle, étonnante, et questionnante. C'est sa force, parce qu'on est au Mucem qui est un musée de société et en fait, il va se jouer plein d'interrogations qui passent par la curiosité que ces pièces amènent à avoir. Elles permettent de questionner des choses relatives aux gens, à l’héritage, au réemploi ; et même sur ces questions géopolitiques et culturelles qui nous englobent aujourd’hui.

AS : Je n’ai pas vraiment d’adjectifs mais je dirais que c’est une exposition qui emmène le visiteur dans un voyage, mais pas nécessairement qu’un voyage géographique, mais aussi un voyage culturel, ethnologique, sociologique et à travers de soi-même et de sa perception propre du vêtement et du corps.

Fashion Folklore. Mucem, Marseille → 06.11.23