Anne et Patrick Poirier : un parcours en 4 étapes dans le Sud

14.10.21
Par Sibylle Grandchamp

Pour la quatrième fois depuis le début de l'été, le duo d'artistes Anne et Patrick Poirier marque de son empreinte le sud de la France, avec une belle exposition qui s'ouvrira le 10 octobre au MRAC Occitanie à Sérignan.

Vue de l'exposition
Vue de l'exposition "La mémoire en filigrane", Anne et Patrick Poirier, MRAC Occitanie à Sète

Après un parcours d'expositions remarqué dans le Sud cet été (lire ci-dessous), c'est au tour du MRAC Occitanie de célébrer le caractère précurseur du duo et la justesse visionnaire de ses préoccupations et de ses thèmes, depuis ses débuts.

Conçue comme une promenade mnémique à travers leurs œuvres sur plus de cinquante ans, cette audacieuse exposition commissionné par Clément Nouet, aux rênes du musée, sonde au plus près la psyché et la force qui se dégage de leur travail.

Réunissant un grand ensemble d'œuvres rarement montrées (certaines remontant au début des années 70, d'autres réalisées en 2020, pendant le confinement), l'exposition révèle notamment un travail protéiforme d’une très grande diversité formelle de médium et d’échelle. On y retrouve leurs carnets, herbiers, photos, ainsi que leurs fameuses constructions de cités imaginaires élaborées sous la forme de maquettes, souvent de grande ampleur.

Le titre, La mémoire en filigrane, exprime à lui seul une obsession constante dans leur oeuvre: la lutte contre l’oubli.

Depuis plus de quarante ans, Anne et Patrick Poirier arpentent le globe et créent à partir de ses ruines, à la recherche de poésie et de clés pour mieux comprendre l’histoire du monde et l’effondrement des civilisations.

Violence de l’histoire, du temps qui détruit tout… leur univers, peuplé de déesses, de locutions latines et de fleurs séchées, reste empreint d’une certaine noirceur, mais la poésie l’emporte toujours.

Spectateurs face à la fragilité de l’humanité et du monde, ils se seraient bien vus, disent-ils, dans le rôle d'architectes ou d'archéologues, des professions qu'ils déclarent plus volontiers aux autorités que celle d'artiste, pour éviter la suspicion ou par jeu, dès leurs premiers voyages, notamment au Moyen Orient.

Dans leurs apparitions médiatiques, ils parlent d’une seule voix, soudés semble-t-il face à la grandeur des sujets qu’ils abordent : « la mémoire individuelle, mais surtout du monde, de l’humanité, des communautés, des langues… ». Tous deux formés aux Arts Décoratifs à Paris et marqués par les destructions lors de la Seconde Guerre Mondiale, ils décident d’unir leur talent pour de bon suite à une résidence à la Villa Médicis en 1967. Dès lors, ils signent leurs premières œuvres communes et ne se quittent plus. Une formule gagnante, si l'on observe leur parcours : du MoMA de New York en passant par la Biennale de Venise, le couple exposera dans le monde entier, développant une œuvre poétique, nourrie de voyages et de fouilles en tout genre (dans la terre, dans la littérature, dans l’histoire…).

Cet été, leur signature emblématique était à l'honneur dans trois lieux du réseau Plein Sud : au Château la Coste et à l’Abbaye du Thoronet (deux expositions commissionnées par Laure Martin-Poulet), et au Domaine du Muy, le parc de sculptures privé de la galerie Mitterrand, qui représente les artistes en France.

Le Château La Coste à ouvert le show

L’exposition au Château la Coste, inaugurée en avril dernier, s’articulait autour d’une de leurs célèbres architectures miniatures : Mnémosyne (1990). Tout de blanc revêtue, elle tire son nom de la déesse grecque de la mémoire.

À l'abbaye du Thoronet tout l'été

A l’abbaye du Thoronet, ils ont conçu un parcours d’œuvres inédites et faisant appel aux 5 sens, approchant ce lieu mystique comme « l’âme du monde ». « Les bâtiments correspondent aux différentes fonctions du cerveau », explique le couple, travaillant souvent par métaphore. Espace urbain et espace psychique se superposent et se confondent, l’effritement d’un matériau renvoyant à la disparition d’un souvenir.

Au domaine Du Muy, comme à la maison

Au Domaine du Muy, entre de nouvelles productions et des œuvres plus anciennes, le duo a ainsi exposé du 14 mai au 11 juillet sa série Roma, memoria mundi (1988). Des photos de Rome ont été rehaussées de vert ou encore de rose, portant les couleurs chatoyantes de la mémoire, à la manière dont chacun embellit ses propres souvenirs. Archéologie et architecture ne sont en fait que la face d’une même pièce : la première se tourne vers le passé, la seconde regarde vers l’avenir.