Rencontre avec Giuliana Zefferi, un drôle d’oiseau explorateur

23.08.22
Par Sibylle Grandchamp

L’artiste Giuliana Zefferi, lauréate de l'appel à projets de création Mécènes du Sud Aix-Marseille en 2019, révèlera durant Art-O-Rama le projet vidéo pour lequel elle avait été retenue : D’autres oiseaux marchent eux aussi comme ça. On l'avait également repéré durant l'exposition Un monde à votre image, dans le cadre de la Bourse Révélations Emerige 2020. Rencontre avec un drôle d’oiseau explorateur, dont la pratique transdisciplinaire peut toucher autant à l’anthropologie ou la préhistoire, que la philosophie, la littérature ou la musicologie.

Giuliana Zefferi © Sylvain Azam

Plein Sud : Vous intitulez votre exposition « D'autres oiseaux marchent eux aussi comme ça », il est issu d’un cycle « Après le geste, le grand dehors ». Vos oiseaux ne volent-ils donc pas ?

Giuliana Zefferi : Je crois qu’ils ont toujours leurs ailes mais par nécessité ils ont développé une démarche supplémentaire qui crée leur singularité. Je tenais, entre autres, à faire un film sur ces drôles d’oiseaux qui ne marchent pas comme tout le monde. Aux manières de faire et de vivre qui demandent un pas de côté.

PS : Dans votre pratique, l’usage du concept d’hybridation et la voie de collaborations et de projets collectifs est essentielle. Pourquoi ?

GZ : Le principe d’hybridation me permet d’entrevoir d’autres réels et d’imaginer de nouvelles méthodes de travail. En amorçant le cycle Après les geste, le grand dehors, je voulais confronter mes recherches à d’autres voix, remettre en jeu la notion d’auteur, tester d’autres méthodes. Par ailleurs, je développe aussi ces enjeux avec le collectif W depuis un peu plus de dix ans. Nous nous sommes par exemple emparé du format de l’artothèque pour questionner nos pratiques. Au fond, je dois être un drôle d’oiseau.

PS : Vous vous intéressez à la notion d’uchronie, au fait que chaque histoire peut potentiellement dérouler une autre histoire. Quelle est votre théorie ?

GZ : Tous les points du passé sont uchroniques, tous les points du passé sont riches d’une infinité de possibilités. Le passé est saturé de possibles parce que tout ce qui est passé a été à venir, et tout ce qui est à venir est possible, infiniment possible, peut être ceci ou cela, une chose ou tout autre chose, ou n’importe quoi d’autre. Ce qui m’intéresse est comment conserver ce qui aurait pu avoir lieu.

PS : D’où vient le titre de l'exposition ?

Le titre de l’installation et du film est issu du poème « Walking Like a Robin » de Bernadette Mayer :

"take 3 or 4 steps then stop

look smell taste touch & hear

is there anything to eat?

oh look, there’s some caviar

it must be my birthday, thanks

i must be very old, like seventy

i guess i’m falling apart, i’ll just

sew myself back together but will it last?

please take a piece of me back home, each piece

is anti-war and don’t pay your rent, in fact

remember: property is robbery, give everybody

everything, other birds walk this way too”

Créé en 2003 à l’initiative de huit chefs d’entreprises marseillais et aixois, Mécènes du Sud réunit deux collectifs d’acteurs économiques qui partagent une vision culturelle pour leurs territoires d’implantation (Aix-Marseille et Montpellier-Sète-Béziers). Pour ses membres, la culture est une richesse qui se partage et nourrit un sentiment collectif. Ils souhaitent favoriser, par leur mécénat, l’émergence de projets artistiques dans le champ de l’art contemporain. Mécènes du Sud développe donc des actions en direction des artistes et de ses territoires d’implantation, où il se définit comme une interface de dialogue entre scène artistique et monde économique.