L’univers habité de Françoise Petrovitch

02.07.25
Propos recueillis par Emma Pampagnin-Migayrou

Dans une exposition monographique d’envergure présentée au MO.CO. Montpellier, Sur un os, Françoise Pétrovitch plonge les visiteurs dans des jeux d’échelles, de symboles et de couleurs surprenants. À cette occasion, l’artiste revient sur ce qui l’inspire et la traverse.

Portrait de Francoise Pétrovitch. Photo : Hervé Plumet

Plein Sud : Sur un os… ce titre est pour le moins intrigant…

Françoise Pétrovitch : C’est une référence au titre d’une de mes sculptures qui représente une jeune fille juchée sur un grand os très vertical. Ce motif de l’os était déjà apparu en 2011 dans des gravures avec le thème d’une petite fille devenue ogresse. C’est une forme qui implique un renversement des rôles, une fragilité devenue puissance…

P.S. : La figure humaine semble vous intéresser plus que les paysages. Est-ce une source d’inspiration ?

F.P. : Exactement. Ce qui m’intéresse, c’est l’humain, sa psychologie, la relation entre les gens et le geste et d’ailleurs beaucoup de mes œuvres parlent de ça. Il y a aussi beaucoup de références à ’histoire de l’art dans mes œuvres. On peut y retrouver une allusion à une peinture de Magritte ou à des vanités du XVIIe siècle. Ce sont souvent des images rémanentes qui m’habitent et se révèlent autrement dans mes œuvres.

P.S. : Une de vos séries de dessins, Île, représente pourtant un paysage, c’est assez rare dans votre travail.

F.P. : Oui, c’est vrai. En réalité, ces îles ne sont pas réalistes. Ce sont des dessins accrochés en double ligne, un peu superposés. Le reflet dans l’eau ne correspond pas forcément à ce qu’il y a au-dessus. Cela crée une sorte de monde souterrain, dilué, presque apocalyptique et fantastique en proie à la disparition.

P.S. : Il y a aussi une forte présence animale dans votre travail, assez troublante puisqu’on se demande si ce sont des véritables animaux…

F.P. : Oui, je les utilise comme une irruption du naturel dans nos vies. Ce sont des animaux qui représentent à la fois quelque chose de l’ordre du quotidien et de l’animalité et du sauvage aussi. Ils viennent bousculer l’ordre humain, parfois en se fondant dans les personnages. Certaines de mes sculptures sont en effet hybrides, on ne sait pas si elles représentent un humain portant un masque de veau, ou un être qui tient des lapins dans les bras. Il y a aussi beaucoup de petits animaux dans mes sculptures, comme des petites présences silencieuses. D’ailleurs, l’une de ces séries s’appelle Sentinelles, à l’image de figures qui veillent sans dire un mot.

P.S. : Dessin, peinture, céramique et même vidéo, qu’est-ce qui explique cette volonté de toucher à tout ?

F.P. : J’aime jouer avec ces porosités, ces passages d’un medium à l’autre. Par exemple, certains motifs qui apparaissent d’abord en dessin vont être réinterprétés en peinture ou en sculpture et inversement. Chaque pratique nourrit l’autre même si le cœur de mon travail reste le dessin et la peinture. Ce n’est que par la suite que j’ai travaillé la sculpture, notamment la céramique et le bronze, que je pratique depuis une vingtaine d’années. Dans la dernière salle de l’exposition, un jeu subtil entre des pièces en bronze et en céramique, avec parfois une confusion des matières, est justement présenté.

P.S. : L’œuvre Papillon matérialise tout particulièrement ce mélange des matières, comment l’avez-vous imaginé ?

F.P. : C’est une importante installation vidéo que j’ai conçue avec Hervé Plumet, avec qui je travaille sur ce medium en duo. Cette vidéo immersive est conçue pour être traversée grâce à plusieurs écrans qui agissent comme des voiles et permettent de créer une ambiance à la fois sonore et lumineuse. S’y mêlent des dessins colorés à l’encre représentant des êtres humains et des animaux et évoquant des thèmes qui me sont chers comme l’intime, le fragment, la nature et l’hybridation…

Sur un os, Françoise Pétrovitch, au MO.CO Montpellier jusqu'au 2 novembre 2025.