Hervé Di Rosa : « Le MIAM est une sorte de bouillabaisse »

12.07.23
Par Julien Bordier

Alors que son travail est exposé au Musée d'Art, Architecture et Technologie de Lisbonne, l’artiste Hervé Di Rosa, fondateur du Musée international des arts modestes (MIAM), à Sète, revient sur son goût pour les arts populaires et modestes, de ses débuts à Charlie Mensuel jusqu’à cette exposition estivale orientée vers la création tech et commerciale.

Plein Sud : Que faites-vous ces jours-ci ?

Hervé Di Rosa : Je suis au Pays Basque, chez ma femme. Pour une fois, je ne travaille pas. Il y a quelques jours, j’étais à Paris pour préparer une exposition qui me sera consacrée au Centre Pompidou, en février 2024. Je travaille aussi sur un autre événement prévu en février 2025. Je vais mettre en scène les objets de la collection d’art populaire du Mucem, à Marseille, avec mes peintures et mes sculptures.

PS : À Paris, en ce moment, la Galerie Huberty & Breyne vous présente BDiROSA. De quoi s’agit-il ?

HDR : D’une série de peintures monochrome qui rend hommage à la BD belge et américaine qui m’a nourri durant ma jeunesse.

PS :  Quel personnage de BD auriez-vous aimé être ?

HDR : Gamin, j’étais un grand fan du détective privé Gil Jourdan. J’aurais bien aimé aussi être Johnny Storm, alias la Torche humaine dans Les 4 Fantastiques.

PS : Pourquoi êtes-vous devenu artiste ?

HDR : Parce que je ne savais rien faire d’autre. J’avais une passion pour le dessin alors je me suis tourné vers la BD. Quand je suis arrivé à l’École nationale Supérieure des Arts décoratifs, à Paris, en 1978, j’ai fait le tour des magazines. Georges Wolinski, qui est devenu mon ami, était le rédacteur en chef de Charlie Mensuel. Il m’a publié deux fois et m’a dit: “C’est mal dessiné, fais de la peinture”. J’ai eu de la chance car dès 1979 j’ai vendu mes toiles. Heureusement. Mes parents étaient ouvriers, il fallait que je me débrouille.

PS : Vous cherchez depuis à raconter une autre histoire de la peinture…

HDR : Je serai d’ailleurs commissaire d’une exposition pour le MIAM, à Sète, sur “l’art commercial”, en juin 2024. Cette peinture longtemps jugée ringarde avait un grand succès dans les supermarchés. Aujourd'hui, beaucoup d’artistes s’emparent de ce style, comme les Américains Lisa Yuskavage ou John Currin. Cela va s’appeler Hors cadre, une autre histoire de la peinture. On découvrira notamment des œuvres de Margueret Kean, célèbre pour ses personnages avec des grands yeux et dont Tim Burton a réalisé le biopic (Big Eyes).

PS : La curiosité est-elle un vilain défaut ?

HDR : Non, c’est une qualité. Je déplore tous les jours nos élites culturelles qui n’en ont pas beaucoup. Je suis toujours en alerte. Il ne faut pas se laisser enfermer dans des certitudes.

PS : A travers vos différentes pérégrinations à travers le monde, vous avez acquis de nombreuses techniques. Laquelle n’avez vous jamais essayée ?

HDR : J’ai envie de faire de la marqueterie, bois, pierres dures. J’avais fait des essais en Colombie, mais ça n’a pas marché. Je voudrais refaire de la laque au Vietnam. Je n’ai pas beaucoup travaillé le métal. L'artisanat a longtemps été méprisé par les artistes. Aujourd’hui, tout le monde s’y met.

PS : Un disque pour travailler en musique ?

HDR : J’écoute France Culture. Pour peindre, j’ai besoin de vide.

PS : Quel est l'ADN du MIAM ?

HDR : Le MIAM repose sur trois piliers : rendre hommage à cet art qui nous entoure et que j’appelle “modeste” (figurines, jouets, objets de la société de consommation), présenter des artistes que l’on ne voit pas ailleurs, rendre l’art contemporain accessible aux néophytes en privilégiant des thématiques et la contextualisation des oeuvres.

PS : Si le MIAM était un plat ?

HDR : Ce serait une sorte de bouillabaisse. Un plat populaire devenu chic. Attention, la bouillabaisse sétoise n'a rien à voir avec celle de Marseille.

PS : L'expo de cet été présente la transformation du code informatique en matière. Faut-il être un geek pour visiter "Fait Machine"  ?

HDR : Même pas. Moi, je sais à peine répondre à un mail et cette expo m’a fascinée. On découvre des imprimantes 3D qui utilisent des matériaux comme la laine et le verre. Avec très peu de choses, de jeunes artistes imaginent par exemple des chaussettes qui se tricotent toutes seules. Les geeks s’y retrouveront. Les gens comme moi aussi. Cette exposition plaira aux bricoleurs.

Fait Machine, Musée International des Arts Modestes (MIAM), Sète. → 12.11.23

Archipelago Hervé Di Rosa, Musée d'Art, Architecture et Technologie de Lisbonne → 11.09.23